Avec cette série d'articles de blog dédiée à la sortie prochaine du film événement INU-OH en support physique, nous vous de découvrir la richesse de l'oeuvre aux multiples facettes.
Si nous avons prêté une particulière attention à ne pas dévoiler trop d'éléments de l'intrigue, certains éclairages apportés dans les textes ci-dessous peuvent néanmoins révéler certains aspects de l'intrigue et de la nature de ses personnages.
Soutenir les artistes
INU-OH , le dernier film de Masaaki Yuasa produit par Science SARU débarque en Blu-ray et DVD chez All The Anime. Que vous ayez raté ou non sa sortie en salle, c’est l’occasion de soutenir un métrage original aussi beau qu’important dans son discours. Article par Bruno de la Cruz.
C’est caricatural, mais il existe trois visages de Masaaki Yuasa le réalisateur (il est animateur de formation) : celui de MIND GAME (2004), celui de Lou et l’île aux Sirènes (2017) et Ride your Wave (2019), puis celui qui concilie les deux avec DEVILMAN crybaby (2018). Après ses deux derniers films particulièrement calibrés pour toucher le grand public (la comédie romantique est immortelle), Masaaki Yuasa revient ici avec un métrage brut mais encore très dansant. INU-OH est donc une œuvre idoine pour embrasser ce style qui a fait sa renommée, sans filtre.
Les jambes et la tête
INU-OH c’est à la fois l’histoire d’un mariage entre deux laissés pour compte, deux gamins balafrés que tout oppose, mais que le talent et la décadence sociale permettent de réunir. Une alliance de fortune qui fera naître un séisme artistique : quand le premier, aveugle et donc incapable d’être effrayé par le visage d’Inu-oh, joue du Biwa, le second se met à danser ! Des consonances hip-hop et même rock se mêlent à la démonstration. Le style s'inscrit hors des codes, surprend un peuple lassé de « consommer » des produits contrôlés par le gouvernement. Cette revisitation du théâtre Nô n’est pas seulement une performance artistique - elle relate aussi des histoires du pays qui tordent le cou aux versions officielles du gouvernement. L’art est politique, et toute la réflexion du film repose sur la place de l’artiste dans la société.
Il est également intéressant d’évoquer la figure de l’artiste inconnue et évolutive, avec le personnage d’Inu-oh. Jugé comme horrible, obligé de se masquer (le mystère contribue à sa légende), son corps devient plus « beau » quand sa célébrité croît. Il devient un produit que le peuple parvient à polir. Cette identité en mouvement trouve d’ailleurs un écho avec la comédienne de doublage qui prête sa voix au personnage, Avu-chan, une femme trans d'origine afro-américaine et japonaise, chanteuse du groupe Ziyô-vachi.
Yuasa x Matsumoto
Sous ses allures de comédie musicale, INU-OH demeure un drame à ne pas mettre entre toutes les mains. Sa beauté n’édulcore rien : ni la mort, ni les violences psychologiques, ni sa morale. En parlant de plastique, le film est une énorme performance 2D, charnelle, décousue, parfois cryptique. Là aussi, Yuasa et son équipe ont dû inventer, que ce soit pour animer les foules nombreuses ou faire bouger Inu-oh d’une façon originale. Pour déstabiliser, il faut être déstabilisant. Alors pour croquer ses personnages aux ganaches et démarches improbables, il rappelle le mangaka Taiyô Matsumoto*, un artiste au style tout aussi protéiforme et auteur de Ping Pong.
Loin des qualités techniques du film, il est important de se mobiliser pour soutenir les métrages originaux, en ce sens où ils ne reposent pas sur une licence. Malgré son immense carrière, malgré sa renommée dans l’industrie, Masaaki Yuasa n’est pas Hayao Miyazaki ou Makoto Shinkai. Son profil artistique est plus versatile, expérimental, et avec INU-OH il fait le film qu’il a voulu faire. Parce que les artistes ne nous doivent rien - à nous, le public en attente d’un « divertissement », INU-OH est à la fois porteur d’un message, témoignage d’un récit perdu et une démonstration technique à la marge des tendances. L’industrie japonaise repose sur des formules usitées pour réussir et minimiser l’échec. INU-OH va à contre-courant, ose, à l’image de son duo de protagonistes. À nous de voir si, comme dans le film, nous sommes prêts à porter les audacieux.
* Le mangaka a également illustré les romans à l’origine d’ INU-OH ; Heike Monogatari: INU-OH no Maki de Hideo Furukawa.
Extrait : Plus loin, au-delà des qualités techniques du film, il est important de se mobiliser pour soutenir les métrages originaux, en ce sens où ils ne reposent pas sur une licence.
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